En tant qu’entrepreneur qui a monté une SARL dans le but d’allier travail et passion du logiciel libre, le sujet du financement du logiciel libre m’intéresse au plus haut point. Je sais aussi, par expérience, que ce sujet peut déclencher des réactions extrêmement vives lorsque des questions d’argent s’immiscent dans des communautés bénévoles. Cela ne doit cependant pas nous empêcher de continuer à mener une réflexion pour trouver de nouveaux moyens de financer le logiciel libre.
Cet article s’attache donc à faire un tour d’horizon de l’existant et à identifier les limites des modèles existants. Enfin, pour finir, je vous ferai partager mes réflexions personnelles sur les critères à respecter pour définir une nouveau modèle économique viable.
Les services aux professionnels
C’est sûrement la solution la plus simple et c’est une solution qui marche pour moi à l’heure actuelle. Je vends mes compétences informatiques aux entreprises qui en ont besoin sous forme de formations, conseils et développements spécifiques. La marge que je dégage me permet de consacrer un à deux jours par semaine au logiciel libre (bien sûr cela veut aussi dire que je pourrais gagner plus si j’arrêtais de contribuer à Debian et que je travaillais plus).
Cela marche, mais cela ne me satisfait pas vraiment. J’essaie d’orienter Freexian comme un spécialiste de Debian, mais ce positionnement ne m’a encore jamais permis de faire financer un développement utile à Debian par un client. Par contre, pour des développements sur un Linux embarqué ou des conseils sur Asterisk, là on trouve plus facilement des clients.
Bien sûr, c’est mieux que de devoir travailler avec Windows, mais il n’y a pas de raison qu’on ne puisse pas trouver une solution où les revenus proviendraient plus ou moins directement d’un travail effectué concernant Debian.
La publicité
C’est le mode de financement de tellement de sites web, qu’on se dit qu’il pourrait aussi contribuer à financer le logiciel libre. C’est sûrement vrai dans quelques cas, mais il me semble que cela restera anecdotique comme mode de financement : d’une part, comme Tuxicoman le faisait remarquer, il y a le problème éthique que cela pose, et d’autre part, il faut avoir une audience très importante pour que la publicité rapporte suffisamment (ce qui n’est pas donné à tout le monde).
Les services en ligne
Héberger un service en ligne représente un coût, et si le service est utile, alors il y a des gens qui seront prêts à payer pour en bénéficier. Tuxicoman voit le logiciel libre comme un produit d’appel pour attirer les gens vers votre offre en ligne. Cela peut être un très bon modèle, mais à mon avis il se limite aux logiciels qui sont en rapport direct avec un service en ligne : il est logique de proposer de l’hébergement de blog si on développe WordPress, mais si vous êtes développeur de dpkg, je ne vois pas quel service en ligne pourra contribuer à financer votre travail.
Compter sur les fans
C’est un peu le principe du « club Mandriva ». Il faut proposer quelques services et compter sur la loyauté des utilisateurs. Mais on retombe sur la problématique de l’audience, si les services ne sont pas intéressants pour ce qu’ils sont, alors l’équilibre est précaire et repose uniquement sur une population limitée.
Autrement dit, cela peut marcher avec des grosses communautés et pas mal de marketing, mais cela restreint le modèle aux seules boîtes qui ont les moyens d’avoir un service marketing conséquent. Bref, ce n’est pas pour tout le monde.
En outre, du point de vue d’un fan qui souscrit plus pour soutenir le projet que pour les services offerts, il ne sait pas exactement ce qu’il finance. Ou plutôt, il sait qu’il finance tout alors même qu’il préférerait peut-être financer plus spécifiquement le développement libre de telle ou telle fonctionnalité.
On le voit, la plupart de ces modèles ne sont pas adaptés pour des individus et des petites structures. Comme je me place plutôt dans cette catégorie, je réfléchis à un nouveau modèle plus adapté — essayant d’allier éthique et rentabilité économique. En menant cette réflexion je suis arrivé à une liste de critères à respecter.
Les critères de succès
Un peu dans le désordre, voici différents points qui, si l’on peut les conjuguer dans une solution concrète (que j’appellerai ci-dessous « le service »), en feraient une solution viable :
- Le service doit concerner tous les utilisateurs de logiciels libres, et pas seulement les « fans ». L’équilibre d’une économie autour du logiciel libre passe par un facteur d’échelle, il doit y avoir plus d’utilisateurs que de développeurs.
- Le service doit être de proximité afin que le client puisse s’identifier à la personne qui le fournit. Je ne parle bien entendu pas de proximité physique, mais de proximité virtuelle. Il faut juste que le client puisse avoir un contact direct avec le développeur et qu’il sache de manière concrète ce à quoi servent les bénéfices réalisés autour du service.
- Le service doit être très lié avec les compétences et les centres d’intérêts du développeur de logiciel libre, afin qu’il prenne plaisir à le fournir.
- En même temps, le service ne doit pas avoir une influence directe sur le projet libre auquel le développeur contribue habituellement.
- Bien entendu, le service doit être utile sur le long terme, car un revenu ponctuel ne permet pas de financer durablement un développeur (sauf don de centaines de milliers d’euros, mais on sort du cadre là :-D).
Pfiou, rien que çà ! Visiblement ce n’est pas facile, mais cela fait quelques temps que j’y réfléchis, et j’ai un projet dans les cartons. Il est trop tôt pour en parler mais je ne manquerai pas d’y revenir en temps voulu.