Ca y est, c’est officiel, Dunc-tank existe. Cette « structure » a pour objectif de lever des fonds pour financer la réalisation de certains projets, de certaines tâches concernant Debian.
Cette combinaison (argent et Debian) est délicate à gérer étant donnée la nature volontaire et majoritairement bénévole des membres du projet. Bien que l’idée vienne de développeurs Debian et bien qu’elle ait été discutée sur la liste privée des développeurs, le projet dunc-tank est artificiellement séparé de Debian afin de limiter les éventuelles conséquences négatives.
C’est pourquoi la première mission que dunc-tank souhaite financer, à savoir la finalisation de « etch » pour pouvoir la publier le 4 décembre 2006 comme annoncé, constitue une expérience : d’abord elle permettra de vérifier que la base de « supporters » de la distribution permet effectivement de récolter assez d’argent pour mener à bien certains projets. Ensuite, il s’agit de voir si les volontaires qui sont payés (en l’occurence Steve Langasek et Andi Barth, nos « release managers ») sont effectivement capables de fournir nettement plus de travail qu’à l’habitude pendant la période financée. Enfin, il s’agit d’évaluer l’impact que cela peut avoir sur les 1002 autres développeurs Debian qui ne seront pas payés dans ce cadre dans les prochains mois.
Une fois que cette expérience sera derrière nous, et à condition qu’elle se termine de manière positive, il sera alors temps de réfléchir à comment organiser cette structure pour qu’elle pose le moins de problèmes et à envisager éventuellement de la réintégrer officiellement dans Debian.
Mon ambition avec cette structure (oui, je fais partie du « bureau » de Dunc-tank) est d’obtenir une infrastructure qui puisse être utilisée par tous les développeurs Debian pour décrire des projets qu’ils souhaitent effectuer dans le cadre de Debian et qu’ils pourraient réaliser plus rapidement s’ils pouvaient y travailler dans le cadre de leur travail habituel. Les donateurs affecteraient ainsi l’argent directement à un projet donné. Tous les projets pourraient être « notés » par tous les développeurs Debian et les mieux notés atteindraient vraisemblablement leur objectif de financement plus rapidement.
Bien entendu, il faudrait un mécanisme de réaffectation de l’argent pour des projets qui tombent à l’eau ou pour ceux qui ont été réalisés bénévolement malgré leur inscription à Dunc-tank. Je suis en effet persuadé qu’une telle infrastructure peut aller au delà du simple outil de financement et que la perspective de se faire financer sur un projet va encourager les gens à les « formaliser » et à les présenter publiquement. Ce mécanisme assurera une meilleure circulation des bonnes idées et l’infrastructure constituera une TODO à jour pour tous les bénévoles à la recherche de choses à faire (voir la page TODO de Debian qui n’est pas bien maintenue).
Ceci dit, avant de voir aussi loin, il faut assurer le succès de cette première initiative, et je vous invite donc à faire comme moi, à faire une promesse de don à Dunc-tank (en attendant que l’infrastructure permettant d’encaisser les dons soit mise en place). Chacun peut ainsi aider à publier Debian 4.0 « etch » dans les délais prévus.
Et que le débat s’ouvre!
Vincent Hiribarren says
Bonjour,
je m’inscris juste pour recueillir un point de vue supplémentaire de votre part.
J’ai dans l’idée (peut-être faussée) qu’une telle première expérience pourrait, d’une certaine manière, être source de jalousies parmis les développeurs de Debian. Et donc créer une ambiance tendue.
Certes, les développeurs n’ont jusque là jamais fait ça pour de l’argent. Néanmoins, voir des « collègues » se faire « soudainement » payer concernant un même projet (donc Debian) pourrait être vu d’un mauvais oeil, même si seules deux personnes clefs sont concernées. Et peut-être faire partir des développeurs…
Donc qu’en pensez-vous ? Est-ce un risque à courir ? Ou au contraire pensez-vous qu’il n’y a aucun risque de ce côté ? Est-ce un élément qui est apparu lors de vos discussions pour la création du projet, et si oui quelle serait la synthèse de ces discussions ?
Merci !
Buxy says
Il est certain qu’il y a un risque à ce que certaines personnes ne souhaitent plus continuer à cause des problèmes que vous mentionnez. Certains ont effectivement menacé de démissionner pendant les discussions.
D’un autre côté, une large fraction de développeurs a aussi soutenu l’initiative affirmant que cela les motivait de voir Debian aller de l’avant et de réussir enfin à nouveau une release à la date annoncée.
Personnellement, je pense que les menaces de démission tiennent plus de la peur de l’inconnu que d’autre chose, et je pense qu’avec cette première expérience, et avec un peu plus de discussion, il est possible d’obtenir un compromis plus acceptable que la situation actuelle. En effet, pour cette première expérimentation, aucune structure n’est encore en place et le projet financé est plus ou moins celui qui semble le plus logique aux yeux de Anthony Towns (conformément à la perception qu’il a de l’ensemble des développeurs). À l’avenir, il sera nécessaire de faire sélectionner les projets à financer par l’ensemble des développeurs *et* par les donateurs bien entendu.
luna says
Vous savez quel est le vrai (le seul ?) problème avec cette proposition ?
C’est qu’elle consiste à (re)définir les *objectifs* de développeurs de Debian et dans une certaine mesure du projet Debian dans son ensemble.
Qu’il y ait une liste « TODO » peut être intéressant. Que celle-ci soit formalisée, évaluée, récompensée, ordonnée et c’est là que le bât blesse.
En fait je trouve l’idée de financement intéressante mais j’y mettrais deux conditions :
– qu’elle soit *totalement* découplée du projet Debian lui-même
– qu’elle ne soit pas unique (i.e. qu’il n’y ait pas un *seul* point de référence
sur ce qui est bien ou mal (financé, non-financé))
Buxy says
Comment peut-on « totalement » découpler cela de Debian, sachant que les projets sont proposés et réalisés par des développeurs Debian? Je suis d’accord pour séparer l’infrastructure, mais dans la pratique si cet outil est utile, il sera populaire et fera partie de l’univers Debian.
Quant à l’unicité de l’infrastructure, elle pose problème uniquement si le processus de sélection des projets est injuste. Pour ne pas tomber dans ce travers, il faut avant tout laisser la possibilité à tous les développeurs de solliciter des fonds pour les projets qui leur tiennent à coeur. Ensuite, il y aura toujours des donateurs qui n’ont pas le temps de s’informer et de choisir un projet à financer, et ceux-là, ils ont simplement envie d’aider et donc de financer les projets que les développeurs trouvent les plus utiles. C’est pourquoi il faut un mécanisme d’évaluation des projets par tous les développeurs Debian (du moins par ceux qui souhaitent donner leur avis).
Pierre Brua says
Cela semble une initiative pleine de bon sens qui rue un peu dans les brancards :-).
Le risque et la faiblesse que j’y perçois est lié aux choix de l’affectation des fonds qui n’est pas décidée _démocratiquement_ en interne dans le projet Debian.
Cela n’est pas grave pour l’instant vu l’étendue modeste de l’objectif : financer un plein temps pour les personnes de l’équipe gérant la mise au point de la distribution. Mais le parti de dunc-tank de ne laisser (pour l’instant ?) le choix de l’affectation des fonds ni aux membres de la communauté Debian directement ni aux donateurs qui fournissent les fonds laisse ce point important en suspens.
* Si le choix de l’affectation est laissé aux donateurs :
Exemples :
– « Je veux que les gestionnaires de pilotes usb puissent passer plus de temps dessus pour que les bugs disparaissent, je leur donne des sous pour cela »
– « La personne qui effectuera la correction du bug #324195 recevra 100 euros de ma part. »
Dans ce cas les donateurs seront plus tentés de donner puisqu’ils auront le sentiment de faire avancer _ce qui les intéresse_. Par contre certains participants au projet auront l’impression que des personnes extérieures au projet le dirigent implicitement à cause des dérives et conflits financiers que cela impliquera : Si je corrige le bug #324195, je pourrais payer mon loyer, et si je corrige un autre bug, ça va être la galère à la fin du mois.
* Si le choix de l’affectation est laissé aux développeurs :
– Possibilité 1
Une liste de personnes à financer avec un ordre de priorité décidé démocratiquement : Si le budget est supérieur au financement de la personne de priorité la plus élevée, le reste servira pour la deuxième personne et ainsi de suite.
Les donateurs sauront qu’ils financent les personnes les plus importantes pour l’avancement du projet même s’ils ne savent pas exactement qui ils financent.
– Possibilité 2
Les développeurs (ou groupes de devs) définissent des sous-objectifs de leur tâche qu’ils ne peuvent pas faire avancer assez vite par manque de temps et/ou à cause de leur complexité, sachant que si on leur donnait plus de temps pour le faire ils pourraient les corriger (par exemple en prenant des congés sans solde de l’entreprise dans laquelle ils travaillent pour cela ou parce que cela financerait leur vie privée et justifierait qu’ils y passent leurs we vis-à-vis de leur famille).
Les donateurs choisissent alors celles des propositions qui les intéressent et y affectent leurs donations.
Cette possibilité présente un équilibre intéressant entre le côté démocratique au niveau du projet et le choix des donateurs.
Considérer que gagner sa vie et développer des logiciels libres sont des concepts totalement disjoints est absurde aujourd’hui. Bonne chance pour la suite !
Pierre
Cyril Chaboisseau says
Salut,
Je n’ai a priori rien contre le fait qu’une l’on puisse financer certains dev. Debian mais j’ai qques doutes sur le sujet (en vrac) :
– d’abord la Debian a été créée justement sur une approche collaborative _bénévole_ et remettre en cause ce principe de fonctionnement a bien évidement eu comme conséquence cette levée de bouclier liée à des frustrations que l’on peut comprendre
– il existe justement un « fork » de la Debian (Ubuntu) qui permet et encourage ce type de financement et p-e aurait-il été plus judicieux d’envisager ce type de financement hors de la Debian (si possible au sein d’une structure qui est rodée à ça) sans risquer de frustrer certaines dev.
– vu que tous les développeurs ne peuvent pas être financé, un choix va devoir se faire comme par ex. via un système de vote
malheureusement on peut imaginer que ce système soit parfait et encore moins qu’il satisfasse tout le monde
…et encore, c’est sans compter sur la nature humaine aidée de personnes plus ou moins mal intentionnées qui voudront probablement faire « pencher » le système en leur faveur
– le surcoût d’organisation d’une telle évalutation puis rétribution pourra dans certains cas être non négligeable d’autant plus lorsque l’un des candidats à un tel financement se verra refuser une aide tant attendu
en comparaison, j’imagine que bcp d’entre nous utilisent du logiciel libre au sein d’une structure commerciale/privée et voient l’impact direct : facilité de déploiement lié au fait de ne pas avoir à payer de licence : aucun bon de commande ou de justification financière à apporter, lors de l’installation pas de n° de série à rentrer, à revalider lors d’un changement de poste/serveur (i.e. DRM) ou encore de ne pas être forcé à utiliser un logiciel ad-hoc (type SMS) pour monitorer les licences
bref, au vu de la confusion qui émane de cette discussion à propos de « Dunc Tank », je doute fortement que l’on arrive à trouver un terrain d’entente (ce qui est bien dommage) et on va aller forcément vers un clash (fork ? split ? résignations en masse ?) qui je l’espère n’aura pas trop de conséquences néfastes sur le projet Debian et la sortie de Etch en particulier
‘my 2¢
PS : je ne décris là que les points négatifs mais je suis bien évidement conscient des énormes bénéfices que ça apporteraient à tout ceux qui veulent vivre uniquement du Libre sans avoir à supporter les inconvénients d’un travail alimentaire
Pierre Brua says
Je me permets de développer un peu sur les points abordés par Cyril (commentaire 767).
Si certains développeurs debian estiment être frustrés par ce projet, c’est soit qu’ils voudraient être rétribués sous cette forme aussi, soit qu’ils voudraient que les autres ne soient pas rétribués non plus. Pour la première raison la solution n’est pas de tout supprimer puisque ce serait contraire à ce dont ils ont envie et pour la deuxième raison il faudra qu’on m’explique la justification du droit de décider la manière dont les autres peuvent gagner leur vie. Des dizaines de milliers de personnes gagnent leur vie grâce aux logiciels libres, en reversant comme ils le peuvent ou le veulent à la communauté et ça n’a jamais traumatisé qui que ce soit.
Financer les travaux sur ubuntu est une idée intéressante, mais si on me donnait le choix je préfèrerais sans doute que les travaux que je finance aillent dans la debian puis soient repris dans la ubuntu plutôt que l’inverse qui pénalise toutes les distributions se basant sur la debian en provoquant un décalage voire une non-inclusion pure et simple des améliorations financées dans la ubuntu par la debian pour des raisons variées.
Tout système de vote présente des inconvénients (dérives) et un coût, mais ne rien faire en partant du principe que ça ne marchera pas est peut-être un peu extrème. On m’aurait présenté le concept du logiciel libre en 1980 j’aurais probablement dit que ça ne marcherait pas et pourtant :-). Sachant qu’il y a les volontés, structures et énergies pour faire le test de ce concept, pourquoi s’y opposer ? Avec internet, un système de vote électronique facile n’est pas si complexe à mettre en place. Si dunc-tank fonctionne, tant mieux, et s’il ne fonctionne pas il n’y aura aucun changement ni aucune perte pour qui que ce soit par rapport à ce qu’il y avait avant, sauf pour ceux qui ont choisi librement de s’y investir.
Le point que j’aimerais ajouter, c’est que dans une structure, qu’elle soit bénévole ou non, des goulots d’étranglement sont présents à certains niveaux : décomposer un travail entre plusieurs personnes n’est pas toujours possible. Dans le cadre d’une entreprise on ne peut pas dire à un salarié de travailler 16 heures pas jour au lieu de 8 pour améliorer la situation, mais si un bénévole qui passe 2h/jour sur un travail de ce type peut y passer 8 car il n’a plus besoin de passer 6h/j pour payer son loyer et le reste par ailleurs, tout le monde est gagnant. Ca ne m’empêchera pas de continuer à contribuer comme avant tout pareil sous prétexte que je ne suis pas content parce que certains sont payés. Plein d’associations ont des bénévoles et des salariés sans trop de soucis, la FSF en premier.
Guyou says
La notion de « micro-payement » (chacun paye 10 euro pour arriver à une somme conséquente) a déjà été souvent essayé en dehors de Debian. Je me souviens de CoSource. Plus récemment, cette notion a pris le nom de « bounty ». On peut aussi citer Google qui propose des financement via ses « Summer Of Code ».
Qu’en est-il des retours d’expérience de ces expériences. Sont-elles des succès ? Génèrent-elles réellement du profit pour les développeurs ?
Ce qui me fait le plus douter, c’est le caractère aléatoire ou anecdotique de ce type de rémunération qui me fait douter de sa viabilité. En effet, comment prévoir quoi que ce soit dans sa vie si le financement vient quand il peut/veut ? Peut-on réellement vivre à coup de 100 euros par-ci, 50 euros par là ?
Et je ne parle pas de l’esprit de compétition entre les développeurs que cela va susciter et qui est déjà bien dévloppé dans les commentaires précédents.
A mon avis, il faut simplifier/rationnaliser le système de la façon suivante :
– Les micro-payements/bounty financent le projet (pas les développeurs directement).
C’est alors le projet Debian qui décide que faire de cet argent. Il pourra alors être utilisé pour le salaire de quelqu’un. Il pourra aussi servir à payer les frais des développeurs lors de leurs déplacements dans les différentes manifestations…
– Un site (Dunc-Tank par exemple) doit permettre aux développeurs souhaitant vivre de Debain de laisser leur CV et leur disponibilité (5j/semaine, 1j/semaine…) et le salaire correspondant souhaité.
Ainsi, si une entreprise souhaite financer durablement Debian, elle pourra décider « d’adopter » un développeur Debian en lui payant un salaire régulier.
De plus, je pense que ma solution présente l’avantage de simplifier un point délicat lorsqu’il s’agit de retribution : l’aspect légal. Ma solution distingue la contribution au projet (qui rentre dans le cadre du don) et la retribution directe qui reste inscrit dans le processus légal.
Buxy says
J’ai contacté un des initiateurs de cosource.com et il m’a expliqué que le principe avait du succès mais que le coût de mise en relation entre les développeurs et les entreprises était trop élevé. Ou plutôt que le coût était supérieur à la petite commission qu’ils prenaient sur les transactions réalisées par leurs intermédiaires. C’est pour cela qu’ils ont arrêté.
Je ne pense pas que quiconque puisse vivre à plein de temps d’une telle rémunération « au projet », mais moi en tant qu’indépendant, j’aimerai pouvoir de temps en temps caser un projet libre dans mon planning et être raisonnablement rétribué pour ce travail. C’est le but que je poursuis avec la création de dunc-tank.
Quant à ta proposition visant à ramener l’argent vers le projet lui-même, c’est ce qu’Anthony Towns voulait faire au début, mais justement décider de salarier quelqu’un est une décision quasi-impossible à prendre pour Debian parce qu’il y a ces problèmes de jalousie potentielle.
Ceci dit, j’aime bien ton idée « d’adopter un développeur Debian ». Je me la note pour la suite. Merci. 🙂
Guyou says
Effectivement, salarier quelqu’un peut justement provoquer des jalousies. A moins que cette personne assume des responsabilités particulières. Je ne connais pas assez les coulisses de Debian pour faire une proposition intelligente. Je pense en fait à salarier un trésorier, un administrateur système, un juriste…
Voila, c’est mes petites idées. Celles-ci ont surement étaient abordées dans les échanges Debian. J’avoue ne pas les suivre, essentiellement par manque de temps.
Eclectik says
Merci pour ces infos !)
GutsBlack says
Bonjour, utilisateur depuis pas mal de temps de Debian, je voulais donner mon tout petit point de vue. Je ne connais pas non plus les coulisses de Debian mais l’idée de « payer » un développeur Debian et pas un autre me semble assez bancale.
En revanche payer un projet, c’est à dire des développeurs travaillant sur une fonction, des bugs en particulier peut vraiment être interessant. Bien sur le projet doit être facilement compréhensible pour les donateurs grâces à un système de vote, de résumé et pourquoi pas d’une date de mise en fonction.
En revanche si Dunc-Tank continue je préfère qu’il soit directement intégré à Debian. Je n’aimerais pas trop devoir discuter avec plusieurs « antités » représentant Debian, Dunc-Tank et autres.
Jean-Luc Coulon says
Tiens, Etch est en retard…
Jean-Luc